De retour au village, je décide de me lancer dans l’apprentissage de la langue. Je suis du genre à faire une retraite silencieuse de six mois dans un temple tibétain. En arrivant au village je souhaitais voir comment il était possible de communiquer sans langage commun, c’est à dire simplement grâce aux gestes, au regard et aux sourires. J’ai tenu trois mois comme cela. Ca fonctionne, mais les limites sont vites atteintes. Elles sont suffisantes pour la vie quotidienne mais limitées pour comprendre les origines d’une tradition. Grâce à des amis de la capitale Windhoek, j’ai obtenu un petit livret destiné aux garderies owambo, ethnie majoritaire du pays. Il comprend une sélection de mots représentés en images avec les traductions anglaises et oshiwambo. Il ne me reste plus qu’à ajouter la traduction otjihimba. C’est devenu notre occupation principale les après-midis sous l’arbre et le soir autour du feu sacré. Je remarque que seuls les enfants sont lettrés mais ils ne sont jamais d’accord sur l’orthographe ! Les parents, eux, me demandent souvent de déchiffrer des documents administratifs en anglais lorsqu’il s’agit d’aller à la ville la plus proche pour rejoindre le dispensaire ou la mairie en charge de les recenser.
L’apprentissage de cette langue est passionnant. Très éloignée de nos bases latines, elle m’oblige à m’habituer aux classes de noms et de verbes et à leurs préfixes associés. Je découvre la richesse du vocabulaire, comme les cinq mille mots pour décrire une vache. De même que les Inuit ont une multitude de mots pour décrire la neige. Les enfants se font un plaisir de me faire réviser mon vocabulaire le soir en fonction de leurs centres d’intérêt. Autant que la langue, j’en apprends toujours plus sur les uns et les autres.